Un peu avant la nuit, à l’heure où chacun savait ce qu’il avait à faire, je m’étais assis sur un banc. Mon fidèle destrier, harassé par la tâche, était à mes côtés, reposant dans un équilibre précaire sur l’un des bords de cet hospice urbain. La pluie avait cessé depuis peu et j’avais péniblement, avant de prendre place, essuyé les petites flaques d’eau à l’aide d’un mouchoir de poche. Derrière moi, un rentoilant à la terrasse couverte accueillait déjà quelques touristes et le bruit des verres qui s’entrechoquaient se mêlait tout naturellement aux conversations d’usage. Quelques voyageurs à la recherche de mets traditionnels s’arrêtaient parfois en face de moi pour juger d’un seul regard la qualité de la brasserie. Spontanément, me croyant jugé à mon tour, je baissais la tête, la vue de mes chaussures me rassurant un peu. Les lumières, vertes n’éclairaient plus totalement mon visage et je pris ma tête entre mes mains pour dissimuler ce qui pouvait encore l’être. Chaque personne qui passait devant moi emmenait avec elle son odeur, le bruit de ses pas, parfois l’éclat de sa voix et j’imaginais bien souvent que l’une d’entre elle allait s’asseoir sur le banc sans me parler. Perdu dans une exquise attente, j’oubliais.